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se tut, puis tout à coup : « Bah ! l’avenir est gros ! » Et tambourinant sur les vitres, il déclama ces vers de Barthélémy :

« Elle reparaîtra, la terrible Assemblée
« Dont, après quarante ans, votre tête est troublée,
« Colosse qui sans peur marche d’un pas puissant !  »[1]

Après les journées de Février, lorsque Frédéric songe à se présenter à l’assemblée constituante, il pense aussitôt aux représentants de 93 : « Les grandes figures de la Convention passèrent devant ses yeux »[2].

Flaubert nous montre encore cette archéologie révolutionnaire au Club de l’Intelligence : « … Et, comme chaque personnage se réglait alors sur un modèle, l’un copiant Saint-Just, l’autre Danton, l’autre Marat, lui (Sénécal), il tâchait de ressembler à Blanqui, lequel imitait Robespierre »[3].

Flaubert ne néglige pas les petits côtés de l’histoire. Il rappelle d’un mot, en passant, Mme  Lafarge, les affaires Teste-Cubières, Praslin, Drouillard et Bénier, etc. Il nous introduit dans un poste de gardes nationaux en 1848. Son aptitude à saisir le ridicule nous vaut la description si vivante du Club de l’Intelligence, qui est un vrai chef-d’œuvre.

Le croquis des députations à l’Hôtel de Ville est très 48 : « Le spectacle le plus fréquent était celui des députations de n’importe quoi, allant réclamer quelque chose à l’Hôtel de Ville, car chaque métier, chaque industrie attendait du Gouvernement la fin radicale de sa misère… »[4].

Le féminisme n’est pas oublié avec la Vatnaz : « Elle était une de ces célibataires parisiennes, qui, chaque soir, quand elles ont donné leurs leçons ou tâché de vendre de petits dessins, de placer de pauvres manuscrits, rentrent chez elles avec de la crotte à leurs jupons, font leur dîner, le mangent toutes seules, puis, les pieds sur une chaufferette, à la lueur d’une lampe malpropre, rêvent un amour, une famille, un foyer, la fortune, tout ce qui leur manque. Aussi, comme beaucoup d’autres, avait-elle salué dans la Révolution l’avènement de la vengeance ; et elle se livrait à une propagande socialiste effrénée »[5].

Il y a aussi bien des lacunes.

Flaubert avait cherché à se renseigner sur le mouvement catho-

  1. L’Éducation sentimentale, p. 161 et 162.
  2. Idem, p. 427.
  3. Idem, p. 434.
  4. Idem, p. 422 et 423.
  5. Idem, p. 428.