La haine de la société, obstacle au bonheur, et des autorités sociales, causes de toutes les injustices et de tous les maux, était un des sentiments en vogue. « Est presque toujours méprisable et vil quiconque a une place dans les cadres réguliers de la société ; et généralement aussi l’abjection du personnage est en raison directe de son importance sociale »[1].
Deslauriers porte un toast, qui peut nous paraître fantaisiste, mais n’en synthétise pas moins les aspirations d’une grande partie de la jeunesse de 1847 : « Je bois à la destruction complète de l’ordre actuel, c’est-à-dire de tout ce qu’on nomme Privilège, Monopole, Direction, Hiérarchie, Autorité, État ! — et, d’une voix plus haute — que je voudrais briser comme ceci, en lançant sur la table le beau verre à patte, qui se fracassa en mille morceaux »[2].
Prenons les idées du brave Dussardier, un des rares personnages sympathiques du livre. « Tout le mal répandu sur la terre, il l’attribuait naïvement au Pouvoir ; et il le haïssait d’une haine essentielle, permanente, qui lui tenait tout le cœur et raffinait sa sensibilité… Qu’il (Sénécal) fût coupable ou non, et sa tentative odieuse, peu importait ! Du moment qu’il était la victime de l’Autorité, on devait le servir »[3].
Flaubert nous fait l’esquisse d’un comédien de vingt-cinquième ordre, qui, à ce point de vue, est tout à fait dans le goût du temps : « Un drame, où il avait représenté un manant qui fait la leçon à Louis XIV et prophétise 89, l’avait mis en telle évidence, qu’on lui fabriquait sans cesse le même rôle ; et sa fonction, maintenant, consistait à bafouer les monarques de tous les pays ; brasseur anglais, il insultait Charles Ier ; étudiant de Salamanque, maudissait Philippe II ; ou, père sensible, s’indignait contre la Pompadour, c’était le plus beau ! »[4]
M. Maigron nous signale encore comme caractéristique la prétention à être littérateur ou artiste. « Tout le monde en ambitionne le titre et la qualité, comme s’il y avait enclos dans ce vocable, on ne sait quel charme magique, et quel pouvoir mystérieux »[5].
Frédéric, dès le collège, a une vocation bien arrêtée ; il veut être « le Walter Scott de la France »[6].
Puis il hésite, il est attiré à la fois par la prose, par la poésie, par la musique, par la peinture : « Frédéric, dans ces derniers