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NOTICE.


I


Un des grands chagrins de Flaubert fut l’échec de l’Éducation sentimentale. D’abord les circonstances se prêtèrent assez mal à un succès ; on était à la veille des événements de 1870, et Flaubert a pu dire que la guerre avait « tué » son livre[1]. Il y eut aussi un véritable courant d’hostilité. La critique fut presque unanimement malveillante.

« Votre vieux troubadour est fortement dénigré par les feuilles, écrivait Flaubert à George Sand. Lisez le Constitutionnel de lundi dernier, le Gaulois de ce matin, c’est carré et net. On me traite de crétin et de canaille. L’article de Barbey d’Aurevilly (Constitutionnel) est, en ce genre, un modèle, et celui du bon Sarcey, quoique moins violent, ne lui cède en rien. Ces messieurs réclament au nom de la morale et de l’idéal ! J’ai eu aussi des éreintements dans le Figaro et dans Paris par Cesena et Duranty. Je m’en fiche profondément ! Ce qui n’empêche pas que je suis étonné par tant de haine et de mauvaise foi. La Tribune, le Pays et l’Opinion nationale m’ont en revanche fort exalté… »[2].

Dans une seconde lettre à George Sand :

« Votre vieux troubadour est trépigné et d’une façon inouïe. Les gens, qui ont lu mon roman, craignent de m’en parler, par peur de se compromettre ou par pitié pour moi. Les plus indulgents trouvent que je n’ai fait que des tableaux et que la composition, le dessin manquent absolument. Saint-Victor, qui prône les livres d’Arsène Houssaye, ne veut pas faire d’article sur le mien, le trouvant trop mauvais. » Et il termine avec amertume : « Voilà. Théo est absent, et personne, absolument personne, ne prend ma défense. »[3]

  1. Maxime Du Camp. Souvenirs littéraires, t. II, p. 391.
  2. Correspondance, 4e série.
  3. Idem.