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Il contient cette somme, dont les terrains de Belleville devaient répondre.

Frédéric la remercia du cadeau, tout en la blâmant de s’être dérangée.

— Non ! Ce n’est pas pour cela que je suis venue ! Je tenais à cette visite, puis je m’en retournerai… là-bas.

Et elle lui parla de l’endroit qu’elle habitait.

C’était une maison basse, à un seul étage, avec un jardin rempli de buis énormes et une double avenue de châtaigniers montant jusqu’au haut de la colline, d’où l’on découvre la mer.

— Je vais m’asseoir là, sur un banc, que j’ai appelé le banc Frédéric.

Puis elle se mit à regarder les meubles, les bibelots, les cadres, avidement, pour les emporter dans sa mémoire. Le portrait de la Maréchale était à demi caché par un rideau. Mais les ors et les blancs, qui se détachaient au milieu des ténèbres, l’attirèrent.

— Je connais cette femme, il me semble ?

— Impossible ! dit Frédéric. C’est une vieille peinture italienne.

Elle avoua qu’elle désirait faire un tour à son bras, dans les rues.

Ils sortirent.

La lueur des boutiques éclairait, par intervalles, son profil pâle ; puis l’ombre l’enveloppait de nouveau ; et, au milieu des voitures, de la foule et du bruit, ils allaient sans se distraire d’eux-mêmes, sans rien entendre, comme ceux qui marchent ensemble dans la campagne, sur un lit de feuilles mortes.

Ils se racontèrent leurs anciens jours, les dîners