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nage de Manuel et de Benjamin Constant. Le terrain dévale, en cet endroit, par une pente abrupte. On a sous les pieds des sommets d’arbres verts ; plus loin, des cheminées de pompes à feu, puis toute la grande ville.

Frédéric put admirer le paysage pendant qu’on prononçait les discours.

Le premier fut au nom de la Chambre des députés, le deuxième au nom du Conseil général de l’Aube, le troisième au nom de la Société houillère de Saône-et-Loire, le quatrième, au nom de la Société d’agriculture de l’Yonne ; et il y en eut un autre, au nom d’une Société philanthropique. Enfin, on s’en allait, lorsqu’un inconnu se mit à lire un sixième discours, au nom de la Société des antiquaires d’Amiens.

Et tous profitèrent de l’occasion pour tonner contre le Socialisme, dont M. Dambreuse était mort victime. C’était le spectacle de l’anarchie et son dévouement à l’ordre qui avait abrégé ses jours. On exalta ses lumières, sa probité, sa générosité et même son mutisme comme représentant du peuple, car, s’il n’était pas orateur, il possédait en revanche ces qualités solides, mille fois préférables, etc… avec tous les mots qu’il faut dire : — « Fin prématurée, — regrets éternels ; — l’autre patrie, — adieu, ou plutôt non, au revoir ! »

La terre, mêlée de cailloux, retomba ; et il ne devait plus en être question dans le monde.

On en parla encore un peu en descendant le cimetière ; et on ne se gênait pas pour l’apprécier. Hussonnet qui devait rendre compte de l’enterrement dans les journaux, reprit même, en blague, tous les discours ; car enfin le bonhomme Dam-