elle sortait souvent sans vouloir dire où elle allait. Frédéric n’essaya pas de creuser les choses. Un de ces jours, il prendrait un parti définitif. Il rêvait une autre vie, qui serait plus amusante et plus noble. Un pareil idéal le rendait indulgent pour l’hôtel Dambreuse.
C’était une succursale intime de la rue de Poitiers. Il y rencontra le grand M. A., l’illustre B., le profond C., l’éloquent Z., l’immense Y., les vieux ténors du centre gauche, les paladins de la droite, les burgraves du juste milieu, les éternels bonshommes de la comédie. Il fut stupéfait par leur exécrable langage, leurs petitesses, leurs rancunes, leur mauvaise foi, tous ces gens qui avaient voté la Constitution s’évertuant à la démolir ; et ils s’agitaient beaucoup, lançaient des manifestes, des pamphlets, des biographies ; celle de Fumichon par Hussonnet fut un chef-d’œuvre. Nonancourt s’occupait de la propagande dans les campagnes, M. de Grémonville travaillait le clergé, Martinon ralliait de jeunes bourgeois. Chacun, selon ses moyens, s’employa, jusqu’à Cisy lui-même. Pensant maintenant aux choses sérieuses, tout le long de la journée il faisait des courses en cabriolet, pour le parti.
M. Dambreuse, tel qu’un baromètre, en exprimait constamment la dernière variation. On ne parlait pas de Lamartine sans qu’il citât ce mot d’un homme du peuple : « Assez de lyre ! »125, Cavaignac n’était plus, à ses yeux, qu’un traître. Le Président, qu’il avait admiré pendant trois mois, commençait à déchoir dans son estime (ne lui trouvant pas « l’énergie nécessaire ») ; et, comme il lui fallait toujours un sauveur, sa reconnaissance,