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Mme  Arnoux avait rabattu sa capeline très bas.

— Mais tu trembles !

— C’est que j’ai froid, reprit-elle.

Dès que son père fut endormi, Louise entra dans la chambre de Catherine, et, la secouant par l’épaule :

— Lève-toi !… vite ! plus vite ! et va me chercher un fiacre.

Catherine lui répondit qu’il n’y en avait plus à cette heure.

— Tu vas m’y conduire toi-même, alors ?

— Où donc ?

— Chez Frédéric !

— Pas possible ! À cause ?

C’était pour lui parler. Elle ne pouvait attendre. Elle voulait le voir tout de suite.

— Y pensez-vous ! Se présenter comme ça dans une maison, au milieu de la nuit ! D’ailleurs, à présent, il dort !

— Je le réveillerai !

— Mais ce n’est pas convenable pour une demoiselle !

— Je ne suis pas une demoiselle ! Je suis sa femme ! Je l’aime ! Allons, mets ton châle.

Catherine, debout au bord de son lit, réfléchissait. Elle finit par dire :

— Non ! je ne veux pas !

— Eh bien reste ! Moi, j’y vais !

Louise glissa comme une couleuvre dans l’escalier. Catherine s’élança par derrière, la rejoignit sur le trottoir. Ses représentations furent inutiles ; et elle la suivait, tout en achevant de nouer sa camisole. Le chemin lui parut extrêmement long. Elle se plaignait de ses vieilles jambes.