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dats dans l’arrondissement de la Fortelle. Celui de l’opposition n’avait pas de chances.

— Vous devriez prendre sa place ! dit M. Dambreuse.

Frédéric se récria.

— Eh ! pourquoi donc ? car il obtiendrait les suffrages des ultras, vu ses opinions personnelles, celui des conservateurs, à cause de sa famille.

— Et peut-être aussi, ajouta le banquier en souriant, grâce un peu à mon influence.

Frédéric objecta qu’il ne saurait comment s’y prendre. Rien de plus facile, en se faisant recommander aux patriotes de l’Aube par un club de la capitale. Il s’agissait de lire, non une profession de foi comme on en voyait quotidiennement, mais une exposition de principes sérieuse.

— Apportez-moi cela ; je sais ce qui convient dans la localité ! Et vous pourriez, je vous le répète, rendre de grands services au pays, à nous tous, à moi-même.

Par des temps pareils, on devait s’entr’aider, et, si Frédéric avait besoin de quelque chose, lui, ou ses amis…

— Oh ! mille grâces, cher monsieur !

— À charge de revanche, bien entendu !

Le banquier était un brave homme, décidément.

Frédéric ne put s’empêcher de réfléchir à son conseil ; et bientôt, une sorte de vertige l’éblouit.

Les grandes figures de la Convention passèrent devant ses yeux. Il lui sembla qu’une aurore magnifique allait se lever. Rome, Vienne, Berlin, étaient en insurrection, les Autrichiens chassés de Venise ; toute l’Europe s’agitait. C’était l’heure de