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de se pousser au conseil général, à la députation.

Les oreilles de Frédéric tintaient. D’où provenait cette bienveillance ? Il se confondit en remerciements.

Mais il ne fallait point, dit le banquier, qu’il fût dépendant de personne. Le meilleur moyen, c’était de prendre des actions, « placement superbe d’ailleurs, car votre capital garantit votre position, comme votre position votre capital ».

— À combien, environ, doit-il se monter ? dit Frédéric.

— Mon Dieu ! ce qui vous plaira, de quarante à soixante mille francs, je suppose.

Cette somme était si minime pour M. Dambreuse et son autorité si grande, que le jeune homme se décida immédiatement à vendre une ferme. Il acceptait. M. Dambreuse fixerait un de ces jours un rendez-vous pour terminer leurs arrangements.

— Ainsi, je puis dire à Jacques Arnoux… ?

— Tout ce que vous voudrez ! le pauvre garçon ! Tout ce que vous voudrez !

Frédéric écrivit aux Arnoux de se tranquilliser, et il fit porter la lettre par son domestique auquel on répondit : « Très bien ! »

Sa démarche, cependant, méritait mieux. Il s’attendait à une visite, à une lettre tout au moins. Il ne reçut pas de visite. Aucune lettre n’arriva.

Y avait-il oubli de leur part ou intention ? Puisque Mme  Arnoux était venue une fois, qui l’empêchait de revenir ? L’espèce de sous-entendu, d’aveu qu’elle lui avait fait, n’était donc qu’une manœuvre exécutée par intérêt ? « Se sont-ils joués de moi ? est-elle complice ? » Une sorte de pudeur,