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heures et demie. Une lettre de son caissier le rappelait.

— Veux-tu que je m’en retourne avec toi ? dit Mme  Arnoux.

— Mais certainement !

Et, en lui faisant un beau salut :

— Vous savez bien, Madame, qu’on ne peut vivre sans vous !

Tous la complimentèrent d’avoir un si bon mari.

— Ah ! c’est que je ne suis pas seule ! répliqua-t-elle doucement, en montrant sa petite fille.

Puis, la conversation ayant repris sur la peinture, on parla d’un Ruysdaël, dont Arnoux espérait des sommes considérables, et Pellerin lui demanda s’il était vrai que le fameux Saül Mathias, de Londres, fût venu, le mois passé, lui en offrir vingt-trois mille francs.

— Rien de plus vrai !

Et, se tournant vers Frédéric :

— C’est même le monsieur que je promenais l’autre jour à l’Alhambra, bien malgré moi, je vous assure, car ces Anglais ne sont pas drôles !

Frédéric, soupçonnant dans la lettre de Mlle  Vatnaz quelque histoire de femme, avait admiré l’aisance du sieur Arnoux à trouver un moyen honnête de déguerpir ; mais son nouveau mensonge, absolument inutile, lui fit écarquiller les yeux.

Le marchand ajouta, d’un air simple :

— Comment l’appelez-vous donc, ce grand jeune homme, votre ami ?

— Deslauriers, dit vivement Frédéric.

Et, pour réparer les torts qu’il se sentait à son