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une femme affectée de méningite, et ils la balançaient à tour de bras, quand le mari survenant les flanqua dehors.

Enfin, au grand scandale de M. le curé, ils avaient pris la mode nouvelle d’introduire les thermomètres dans les derrières.

Une fièvre typhoïde se répandit aux environs ; Bouvard déclara qu’il ne s’en mêlerait pas. Mais la femme de Gouy, leur fermier, vint gémir chez eux. Son homme était malade depuis quinze jours, et M. Vaucorbeil le négligeait.

Pécuchet se dévoua.

Taches lenticulaires sur la poitrine, douleurs aux articulations, ventre ballonné, langue rouge, c’étaient tous les symptômes de la dothiénentérie. Se rappelant le mot de Raspail qu’en ôtant la diète on supprime la fièvre, il ordonna des bouillons, un peu de viande. Tout à coup le docteur parut.

Son malade était en train de manger, deux oreillers derrière le dos, entre la fermière et Pécuchet qui le renforçaient.

Il s’approcha du lit, et jeta l’assiette par la fenêtre, en s’écriant :

— C’est un véritable meurtre !

— Pourquoi ?

— Vous perforez l’intestin, puisque la fièvre typhoïde est une altération de sa membrane folliculaire.

— Pas toujours !

Et une dispute s’engagea sur la nature de fièvres. Pécuchet croyait à leur essence. Vaucorbeil les faisait dépendre des organes :

— Aussi j’éloigne tout ce qui peut surexciter !

— Mais la diète affaiblit le principe vital !