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Ce qui les ébahit par-dessus tout, c’est que la terre, comme élément, n’existe pas.

Ils saisirent la manœuvre du chalumeau, l’or, l’argent, la lessive du linge, l’étamage des casseroles ; puis, sans le moindre scrupule, Bouvard et Pécuchet se lancèrent dans la chimie organique.

Quelle merveille que de retrouver chez les êtres vivants les mêmes substances qui composent les minéraux ! Néanmoins ils éprouvaient une sorte d’humiliation à l’idée que leur individu contenait du phosphore comme les allumettes, de l’albumine comme les blancs d’œufs, du gaz hydrogène comme les réverbères.

Après les couleurs et les corps gras, ce fut le tour de la fermentation.

Elle les conduisit aux acides, et la loi des équivalents les embarrassa encore une fois. Ils tâchèrent de l’élucider avec la théorie des atomes ; ce qui acheva de les perdre.

Pour entendre tout cela, selon Bouvard, il aurait fallu des instruments.

La dépense était considérable, et ils en avaient trop fait.

Mais le docteur Vaucorbeil pouvait, sans doute, les éclairer.

Ils se présentèrent au moment de ses consultations.

— Messieurs, je vous écoute ! quel est votre mal ?

Pécuchet répliqua qu’ils n’étaient pas malades, et ayant exposé le but de leur visite :

— Nous désirons connaître premièrement l’atomicité supérieure.