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et le même cheval, gravir, descendre et remonter la petite colline. Quelquefois Bouvard marchait derrière, faisant des haltes à mi-côte pour s’éponger le front.

Ne se fiant à personne, ils traitaient eux-mêmes les animaux, leur administraient des purgations, des clystères.

De graves désordres eurent lieu. La fille de basse-cour devint enceinte. Ils prirent des gens mariés ; les enfants pullulèrent, les cousins, les cousines, les oncles, les belles-sœurs ; une horde vivait à leurs dépens, et ils résolurent de coucher dans la ferme à tour de rôle.

Mais le soir ils étaient tristes. La malpropreté de la chambre les offusquaient, et Germaine, qui apportait les repas, grommelait à chaque voyage. On les dupait de toutes les façons. Les batteurs en grange fourraient du blé dans leur cruche à boire. Pécuchet en surprit un, et s’écria, en le poussant dehors par les épaules :

— Misérable ! tu es la honte du village qui t’a vu naître !

Sa personne n’inspirait aucun respect. D’ailleurs, il avait des remords à l’encontre du jardin. Tout son temps ne serait pas de trop pour le tenir en bon état. Bouvard s’occuperait de la ferme. Ils en délibérèrent, et cet arrangement fut décidé.

Le premier point était d’avoir de bonnes couches. Pécuchet en fit construire une en briques. Il peignit lui-même les châssis, et redoutant les coups de soleil barbouilla de craie toutes les cloches.

Il eut la précaution pour les boutures d’enlever les têtes avec les feuilles. Ensuite, il s’appliqua