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natures dénuées de sens moral, et l’éducation n’y peut rien.

— Ah ! oui, c’est beau, l’éducation !

Comme les orphelins ne savaient aucun métier, on leur chercherait deux places de domestiques ; et puis, à la grâce de Dieu ! ils ne s’en mêleraient plus.

Et désormais « Mon oncle et Bon ami » les firent manger à la cuisine.

Mais bientôt ils s’ennuyèrent, leur esprit ayant besoin d’un travail, leur existence d’un but.

D’ailleurs que prouve un insuccès ? Ce qui avait échoué sur des enfants pouvait être moins difficile avec des hommes. Et ils imaginèrent d’établir un cours d’adultes.

Il aurait fallu une conférence pour exposer leurs idées. La grande salle de l’auberge conviendrait à cela, parfaitement.

Beljambe, comme adjoint, eut peur de se compromettre, refusa d’abord, puis songeant qu’il pouvait y gagner, changea d’opinion et le fit dire par la servante.

Bouvard, dans l’excès de sa joie, la baisa sur les deux joues.

Le maire était absent ; l’autre adjoint, M. Marescot, pris tout entier par son étude, s’occuperait peu de la conférence ; ainsi elle aurait lieu, et le tambour l’annonça pour le dimanche suivant, à trois heures.

La veille, seulement, ils pensèrent à leur costume.

Pécuchet, grâce au ciel, avait conservé un vieil habit de cérémonie à collet de velours, deux cravates blanches et des gants noirs. Bouvard mit sa