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ou trois lanternes s’allumèrent, puis disparurent. Les gens de travail passaient en traînant leurs sabots sur les cailloux, et la cloche pour le souper tinta.

Les deux visiteurs s’en allèrent.

Tout ce qu’ils avaient vu les enchantait ; leur décision fut prise. Dès le soir, ils tirèrent de leur bibliothèque les quatre volumes de la Maison rustique, se firent expédier le cours de Gasparin et s’abonnèrent à un journal d’agriculture.

Pour se rendre aux foires plus commodément, ils achetèrent une carriole que Bouvard conduisait.

Habillés d’une blouse bleue, avec un chapeau à larges bords, des guêtres jusqu’aux genoux et un bâton de maquignon à la main, ils rôdaient autour des bestiaux, questionnaient les laboureurs et ne manquaient pas d’assister à tous les comices agricoles.

Bientôt ils fatiguèrent maître Gouy de leurs conseils, déplorant principalement son système de jachères. Mais le fermier tenait à sa routine. Il demanda la remise d’un terme sous prétexte de la grêle. Quant aux redevances, il n’en fournit aucune. Devant les réclamations les plus justes, sa femme poussait des cris. Enfin, Bouvard déclara son intention de ne pas renouveler le bail.

Dès lors maître Gouy épargna les fumiers, laissa pousser les mauvaises herbes, ruina le fonds et il s’en alla d’un air farouche qui indiquait des plans de vengeance.

Bouvard avait pensé que 20 000 francs, c’est-à-dire plus de quatre fois le prix du fermage, suffiraient au début. Son notaire de Paris les envoya.