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Ils firent lire à leurs élèves des historiettes tendant à inspirer l’amour de la vertu. Elles assommèrent Victor.

Pour frapper son imagination, Pécuchet suspendit aux murs de sa chambre des images exposant la vie du bon sujet et du mauvais sujet.

Le premier, Adolphe, embrassait sa mère, étudiait l’allemand, secourait un aveugle et était reçu à l’École polytechnique.

Le mauvais, Eugène, commençait par désobéir à son père, avait une querelle dans un café, battait son épouse, tombait ivre-mort, fracturait une armoire, et un dernier tableau le représentait au bagne, où un monsieur accompagné d’un jeune garçon, disait, en le montrant :

« Tu vois, mon fils, les dangers de l’inconduite. »

Mais pour les enfants l’avenir n’existe pas. On avait beau les saturer de cette maxime : « Que le travail est honorable et que les riches parfois sont malheureux », ils avaient connu des travailleurs nullement honorés et se rappelaient le château où la vie semblait bonne.

Les supplices du remords leur étaient dépeints avec tant d’exagération qu’ils flairaient la blague et se méfiaient du reste.

On essaya de les conduire par le point d’honneur, l’idée de l’opinion publique et le sentiment de la gloire, en leur vantant les grands hommes, surtout les hommes utiles, tels que Belzunce, Franklin, Jacquard ! Victor ne témoignait aucune envie de leur ressembler.

Un jour qu’il avait fait une addition sans faute, Bouvard cousit à sa veste un ruban qui signifiait