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le grainé fin, et attendait l’occasion de donner le trait de force. Elle ne venait jamais, tant le paysage de l’élève était incompréhensible.

Sa sœur, paresseuse comme lui, bâillait devant la table de Pythagore. Mlle Reine lui montrait à coudre, et quand elle marquait du linge, elle levait les doigts si gentiment, que Bouvard, ensuite, n’avait pas le cœur de la tourmenter avec sa leçon de calcul. Un de ces jours, ils s’y remettraient. Sans doute, l’arithmétique et la couture sont nécessaires dans le ménage, mais il est cruel, objecta Pécuchet, d’élever des filles en vue seulement du mari qu’elles auront. Toutes ne sont pas destinées à l’hymen ; et si on veut que plus tard elles se passent des hommes, il faut leur apprendre bien des choses.

On peut inculquer les sciences, à propos des objets les plus vulgaires : dire, par exemple, en quoi consiste le vin ; et l’explication fournie, Victor et Victorine devaient la répéter. Il en fut de même des épices, des meubles, de l’éclairage ; mais la lumière c’était pour eux la lampe, et elle n’avait rien de commun avec l’étincelle d’un caillou, la flamme d’une bougie, la clarté de la lune.

Un jour Victorine demanda :

— D’où vient que le bois brûle ?

Ses maîtres se regardèrent embarrassés, la théorie de la combustion les dépassant.

Une autre fois, Bouvard, depuis le potage jusqu’au fromage, parla des éléments nourriciers et ahurit les deux petits sous la fibrine, la caséine, la graisse et le gluten.

Ensuite, Pécuchet voulut leur expliquer comment