Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quand, à cent pas devant eux, ils distinguèrent Placquevent ; et Zéphyrin, près de lui, levait le coude en manière de bouclier pour se garantir des gifles.

Ce qu’ils venaient d’entendre exprimait, sous d’autres formes, les idées de M. le comte ; mais l’exemple de leurs élèves témoignerait combien la liberté l’emporte sur la contrainte. Un peu de discipline était cependant nécessaire.

Pécuchet cloua dans le muséum un tableau pour les démonstrations ; on tiendrait un journal où les actions de l’enfant, notées le soir, seraient relues le lendemain. Tout s’accomplirait au son de la cloche. Comme Dupont de Nemours, ils useraient de l’injonction paternelle d’abord, puis de l’injonction militaire, et le tutoiement fut interdit.

Bouvard tâcha d’apprendre le calcul à Victorine. Quelquefois, il se trompait ; ils en riaient l’un et l’autre, puis, le baisant sur le cou, à la place qui n’a pas de barbe, elle demandait à s’en aller ; il la laissait partir.

Pécuchet, aux heures des leçons, avait beau tirer la cloche et crier par la fenêtre l’injonction militaire, le gamin n’arrivait pas. Ses chaussettes lui pendaient toujours sur les chevilles ; à table même, il se fourrait les doigts dans le nez et ne retenait point ses gaz. Broussais, là-dessus, défend les réprimandes, car « il faut obéir aux sollicitations d’un instinct conservateur ».

Victorine et lui employaient un affreux langage, disant : mé itou pour « moi aussi », bère pour « boire », al pour « elle » un deventiau, de l’iau ; mais comme la grammaire ne peut être comprise