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Pécuchet, car l’homme, par cette voie, a perdu son innocence, phrase qu’il avait lue dans le Manuel du séminariste, deux volumes in-12 empruntés à M. Jeufroy, et il buvait de l’eau de la Salette, se livrait, portes closes, à des oraisons jaculatoires, espérait entrer dans la confrérie de Saint-François.

Pour obtenir le don de persévérance, il résolut de faire un pèlerinage à la sainte Vierge.

Le choix des localités l’embarrassa. Serait-ce à Notre-Dame de Fourvières, de Chartres, d’Embrun, de Marseille ou d’Auray ? Celle de la Délivrande, plus proche, convenait aussi bien.

— Tu m’accompagneras !

— J’aurais l’air d’un cornichon ! dit Bouvard.

Après tout, il pouvait en revenir croyant, ne refusait pas de l’être, et céda par complaisance.

Les pèlerinages doivent s’accomplir à pied. Mais quarante-trois kilomètres seraient durs ; et les gondoles n’étant pas congruentes à la méditation, ils louèrent un vieux cabriolet, qui, après douze heures de route, les déposa devant l’auberge.

Ils eurent une pièce à deux lits, avec deux commodes supportant deux pots à l’eau dans des petites cuvettes ovales, et l’hôtelier leur apprit que c’était « la chambre des capucins » sous la Terreur. On y avait caché la dame de la Délivrande avec tant de précaution que les bons Pères y disaient la messe clandestinement.

Cela fit plaisir à Pécuchet, et il lut tout haut une notice sur la chapelle, prise en bas dans la cuisine.

Elle a été fondée au commencement du IIe siècle