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— Maladroit ! s’écria Bouvard.

Puis, trouvant l’infusion médiocre, il voulut la renforcer par deux cuillerées de plus.

— Ce sera exécrable, dit Pécuchet.

— Pas du tout !

Et chacun tirant à soi la boîte, le plateau tomba ; une des tasses fut brisée, la dernière du beau service en porcelaine.

Bouvard pâlit.

— Continue ! saccage ! ne te gêne pas !

— Grand malheur, vraiment !

— Oui ! un malheur ! Je la tenais de mon père !

— Naturel, ajouta Pécuchet en ricanant.

— Ah ! tu m’insultes !

— Non, mais je te fatigue ! je le vois bien ! avoue-le !

Et Pécuchet fut pris de colère, ou plutôt de démence. Bouvard aussi. Ils criaient à la fois tous les deux, l’un irrité par la faim, l’autre par l’alcool. La gorge de Pécuchet n’émettait plus qu’un râle.

— C’est infernal, une vie pareille ; j’aime mieux la mort. Adieu !

Il prit le flambeau, tourna les talons, claqua la porte.

Bouvard, au milieu des ténèbres, eut peine à l’ouvrir, courut derrière lui, arriva dans le grenier.

La chandelle était par terre, et Pécuchet debout sur une des chaises, avec le câble dans sa main.

L’esprit d’imitation emporta Bouvard :

— Attends-moi !