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s’excitaient l’un l’autre, cette Providence soigne les petits oiseaux et fait repousser les pattes des écrevisses. Ah ! si vous entendez par Providence une loi qui règle tout, je veux bien, et encore !

— Cependant, monsieur, dit le notaire, il y a des principes !

— Qu’est-ce que vous me chantez ! Une science, d’après Condillac, est d’autant meilleure qu’elle n’en a pas besoin ! Ils ne font que résumer des connaissances acquises et nous reportent vers ces notions, qui, précisément, sont discutables.

— Avez-vous comme nous, poursuivit Pécuchet, scruté, fouillé les arcanes de la métaphysique ?

— Il est vrai, messieurs, il est vrai !

Et la société se dispersa.

Mais Coulon, les tirant à l’écart, leur dit d’un ton paterne qu’il n’était pas dévot, certainement, et même il détestait les jésuites. Cependant il n’allait pas si loin qu’eux ! Oh non ! bien sûr ; et, au coin de la place, ils passèrent devant le capitaine, qui rallumait sa pipe en grommelant :

— Je fais pourtant ce que je veux, nom de Dieu !

Bouvard et Pécuchet proférèrent en d’autres occasions leurs abominables paradoxes. Ils mettaient en doute la probité des hommes, la chasteté des femmes, l’intelligence du gouvernement, le bon sens du peuple, enfin sapaient les bases.

Foureau s’en émut et les menaça de la prison, s’ils continuaient de tels discours.

L’évidence de leur supériorité blessait. Comme ils soutenaient des thèses immorales, ils devaient