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serviette de maroquin, et en la posant sur la table :

— Ce sont des brochures ! Elles ont trait à la Réforme, question brûlante ; mais voici une chose qui vous appartient sans doute !

Et il tendit à Bouvard le second volume des Mémoires du Diable.

Mélie, tout à l’heure, le lisait dans la cuisine ; et comme on doit surveiller les mœurs de ces gens-là, il avait cru bien faire en confisquant le livre.

Bouvard l’avait prêté à sa servante. On causa des romans.

Mme Bordin les aimait quand ils n’étaient pas lugubres.

— Les écrivains, dit M. de Faverges, nous peignent la vie sous des couleurs flatteuses !

— Il faut peindre ! objecta Bouvard.

— Alors, on n’a plus qu’à suivre l’exemple ! …

— Il ne s’agit pas d’exemple !

— Au moins, conviendrez-vous qu’ils peuvent tomber entre les mains d’une jeune fille. Moi, j’en ai une.

— Charmante ! dit le notaire, en prenant la figure qu’il avait les jours de contrat de mariage.

— Eh bien ! à cause d’elle, ou plutôt des personnes qui l’entourent, je les prohibe dans ma maison, car le Peuple, cher monsieur ! …

— Qu’a-t-il fait, le Peuple ? dit Vaucorbeil, paraissant tout à coup sur le seuil.

Pécuchet, qui avait reconnu sa voix, vint se mêler à la compagnie.

— Je soutiens, reprit le comte, qu’il faut écarter de lui certaines lectures.