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dans le corridor. Elles se heurtèrent contre le sarcophage. Il faillit même écraser plusieurs tuiles, tourna le fauteuil, descendit deux marches, — et parvenus dans la seconde chambre, ils lui firent voir sous le baldaquin, devant le saint Pierre, le pot à beurre exécuté à Noron.

Bouvard et Pécuchet avaient cru que la date, quelquefois, pouvait servir.

Le gentilhomme, par politesse, inspecta leur musée. Il répétait : « Charmant ! très bien ! » tout en se donnant sur la bouche de petits coups avec le pommeau de sa badine, et, pour sa part, il les remerciait d’avoir sauvé ces débris du moyen âge, époque de foi religieuse et de dévouements chevaleresques. Il aimait le progrès, et se fût livré, comme eux, à ces études intéressantes ; mais la politique, le conseil général, l’agriculture, un véritable tourbillon l’en détournait.

— Après vous, toutefois, on n’aurait que des glanes, car bientôt vous aurez pris toutes les curiosités du département.

— Sans amour-propre, nous le pensons, dit Pécuchet.

Cependant on pouvait en découvrir encore à Chavignolles, par exemple ; il y avait contre le mur du cimetière, dans la ruelle, un bénitier enfoui sous les herbes depuis un temps immémorial.

Ils furent heureux du renseignement, puis échangèrent un regard signifiant « est-ce la peine ? » mais déjà le comte ouvrait la porte.

Mélie, qui se trouvait derrière, s’enfuit brusquement.

Comme il passait dans la cour, il remarqua Gorju en train de fumer sa pipe, les bras croisés.