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cuisine, et Germaine se lamentait sur la quantité de poussière.

Ce n’était pas une mince besogne, avant de coller les étiquettes, que de savoir le nom des roches ; la variété des couleurs et du grenu leur faisait confondre l’argile avec la marne, le granit et le gneiss, le quartz et le calcaire.

Et puis la nomenclature les irritait. Pourquoi dévonien, cambrien, jurassique, comme si les terres désignées par ces mots n’étaient pas ailleurs qu’en Devonshire, près de Cambridge, et dans le Jura ? Impossible de s’y reconnaître ; ce qui est système pour l’un est pour l’autre un étage, pour un troisième une simple assise. Les feuillets des couches s’entremêlent, s’embrouillent ; mais Omalius d’Halloy vous prévient qu’il ne faut pas croire aux divisions géologiques.

Cette déclaration les soulagea, et quand ils eurent vu des calcaires à polypiers dans la plaine de Caen, des phyllades à Balleroy, du kaolin à Saint-Blaise, de l’oolithe partout, et cherché de la houille à Cartigny et du mercure à la Chapelle-en-Juger, près Saint-Lô, ils décidèrent une excursion plus lointaine, un voyage au Havre, pour étudier le quartz pyromaque et l’argile de Kimmeridge.

À peine descendus du paquebot, ils demandèrent le chemin qui conduit sous les phares ; des éboulements l’obstruaient, il était dangereux de s’y hasarder.

Un loueur de voiture les accosta et leur offrit des promenades aux environs : Ingouville, Octeville, Fécamp, Lillebonne, « Rome s’il le fallait ».

Ses prix étaient déraisonnables, mais le nom de