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CORRESPONDANCE

1991. À GEORGES CHARPENTIER.
Dimanche 2 mai [1880].

Comme le Rédacteur en chef me paraît devenu gâteux, je m’adresse à l’éditeur.

Leur numéro d’hier est le comble ! Une scène, à son milieu, arrêtée net par un article de sport, me paraît une drôle de façon de respecter la littérature ! Si vos abonnés préfèrent à mon œuvre la vue d’une grille, ou celle du Pont-Neuf (comme actualité), ou des portraits de botte, ils n’avaient que faire de ma prose.

Enfin, je regarde cette publication comme une cochonnerie que vous m’avez faite, à moi, ce qui n’est pas bien de la part d’un ami. Je m’étais fié à vous deux. Vous m’avez trompé, voilà tout. Je n’ai pas voulu vous en parler quand vous êtes venu à Pâques, pour ne point gâter « cette petite fête de famille » ! Mais la chose me reste sur le cœur. De toutes les avanies que j’ai endurées pour le Château des Cœurs celle-là est la plus forte. On rejetait mon manuscrit ; on ne chiait pas dessus !

Vous me paierez cela, mon bon, je vous en préviens.

Attendez-vous donc, la semaine prochaine, à me voir dans des dispositions peu commodes. Puisque j’ai eu la bêtise de consentir à des illustrations (chose anti-littéraire), il faut maintenant les recommencer pour le volume, pas une n’ayant de rapport avec le texte. C’est donc une autre publication à faire, et il faut s’y mettre tout de suite, pour qu’elle précède mon roman. Pensez-y.