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CORRESPONDANCE

suppose que Guy t’en aura envoyé un exemplaire (à moins qu’il n’en possède pas). J’ai reçu Boule de Suif, que je persiste à considérer comme un chef-d’œuvre, et le jugement de mon amie Mme Brainne (à qui j’en veux pour cela) est celui d’une oie. Elle s’est coulée dans mon estime par cette critique, la littérature étant la base de tout…

Je n’écrirai pas à Bergerat, parce que je suis en froid avec lui (à propos de la publication du Château des Cœurs) et que je tiens à le bafouer, dans son bureau, en public. Donc, je ne veux, d’ici là, lui demander aucun service. Mais adresse-toi, pour tout ce qui est réclames et articles, à quelqu’un de plus considéré que lui, c’est-à-dire au magnifique Heredia. Burty, en ces matières, a le bras long.

À ta place, je ne ferais pas de visite à X*** qui s’est conduit envers moi comme un polisson. Je garde sa lettre comme un monument d’impertinence, et je ne demande qu’un prétexte pour lui placer ma botte au c… ; et d’ailleurs, plus tu avances dans la « carrière artistique », mon loulou, plus tu verras que tout ce qu’on dit qu’il « faut faire, pour réussir » ne sert absolument à rien. Au contraire ! Le public n’est pas si bête que ça. Il n’y a de bête, en fait d’Art, que 1o le gouvernement, 2o les directeurs de théâtre, 3o les éditeurs, 4o les rédacteurs en chef des journaux, 5o les critiques autorisés ; enfin tout ce qui détient le Pouvoir, parce que le Pouvoir est essentiellement stupide. Depuis que la terre tourne, le Bien et le Beau ont été en dehors de lui.

Telles sont les idées de ton « vertueux » oncle qui t’embrasse.