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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1694. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, samedi soir [août 1877].

Plaignez-moi, Princesse !

La semaine dernière, j’ai passé quarante-huit heures à Paris pour mes affaires. Je voulais aller vous voir ; elles m’ont rappelé ici, immédiatement. Il me faut donc remettre ce plaisir-là à l’automne.

Je voulais vous dire combien j’ai songé à vous en apprenant la mort de la reine de Hollande. Vous l’aimiez, et cette disparition vous fait souffrir. L’idée de votre chagrin me rend triste. Parvenus à un certain âge, quelle volonté ne faut-il pas pour résister au torrent d’amertume qui nous entoure ! C’est comme une dissolution intérieure : on sent que tout s’en va. Mais le soleil reparaît, l’âme se raffermit et l’existence continue.

Votre amitié pour moi apprendra avec plaisir que mes soucis matériels touchent peut-être à leur fin ? Rien n’est fait encore ; mais j’ai grand espoir.

Dans ma solitude, dieu merci, je n’entends pas discourir de politique. N’importe ! Je redoute les élections qui nous seront fournies par les idées secrètes du maréchal. Mais a-t-il des idées ? Que veut-il ? Les conservateurs que je connais deviennent rouges. Voilà, jusqu’à présent, le résultat.

Pour en écarter mon esprit, je travaille plus furieusement que jamais à mon interminable et rude bouquin. Puisse-t-il vous plaire, il me plaira.