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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1942. À M. LÉON HENNIQUE.[1]
Nuit de lundi, 3 [2-3 février 1880].
Mon cher Ami,

Deux hypothèses : ou je suis un idiot, ou vous êtes un farceur. Je préfère la seconde, naturellement.

Sous prétexte de blaguer le romantisme, vous avez fait un très beau livre romantique[2]. Mais oui ! il y a là dedans un drame à la Shakespeare ! soyez-en persuadé.

« L’âme telle qu’elle est ! » prétendez-vous la connaître ? « Personnages exagérés », nullement. « Langage conventionnel ? » pas du tout !

Et puis, de quoi parlez-vous ? Quelle École ! Où y a-t-il une école ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Et où sont les hommes de 1830 ? Je vous défie de m’en citer un, à commencer par le père Hugo, qui soit encore dans la tradition. Notez que je vous parle de choses que je connais personnellement.

Vous croyez avoir blagué leur style ? Détrompez-vous ! Lisez donc Pétrus Borel, les premiers drames d’Alexandre Dumas et d’Anicet Bourgeois, les romans de Lascailly et d’Eugène Sue : Trialph et la Salamandre. Comme parodie, de ce genre-là, voir les Jeune-France de Théo, un roman

  1. Cette lettre a été publiée par M. Léon Hennique dans sa préface à l’édition grand in-8o de Salammbô, illustrée par Rochegrosse. 2 vol. grand in-8o.
  2. Les hauts faits de M. de Ponthau.