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CORRESPONDANCE

1919. À MADAME TENNANT.
Croisset, mardi soir [16 décembre 1879].

Merci de votre lettre, ma chère, ma bien chère Gertrude. Dolly aurait tort de me faire des reproches. Je suis désolé de n’être pas à Paris puisque vous y êtes (ma volonté là dedans n’y est pour rien, soyez-en sûre). Mais il faut revenir au printemps, vers la fin de mars ou le milieu d’avril ; à cette époque je serai tout à votre disposition. Le premier volume de mon infernal roman sera fini, le second ne me demandera plus que six mois et je regarderai l’œuvre comme terminée. Ce que c’est ? Cela est difficile à dire en peu de mots.

Le sous-titre serait : « Du défaut de méthode dans les sciences ». Bref, j’ai la prétention de faire une revue de toutes les idées modernes. Les femmes y tiennent peu de place et l’amour aucune. Votre Américain a été fort mal renseigné. Je crois que le public n’y comprendra pas grand’chose. Ceux qui lisent un livre pour savoir si la baronne épousera le vicomte seront dupés, mais j’écris à l’intention de quelques raffinés. Peut-être sera-ce une lourde sottise ? À moins que ce ne soit quelque chose de très fort ? Je n’en sais rien ! et je suis rongé de doutes, accablé de fatigue.

Cette année (1879), je n’ai, en tout, passé que deux mois à Paris. Donc personne moins que moi n’est au courant des nouveautés et curiosités de la capitale. Caroline vous renseignera là-dessus mieux que son oncle. Vos filles connaissent-elles le musée de Cluny et celui de l’Hôtel Carnavalet ?