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CORRESPONDANCE

Charpentier, publiera prochainement le Château des Cœurs, avec un dessin de ma nièce et des illustrations faites par des décorateurs. Lemerre, le 15 de ce mois, fait paraître Salammbô dans sa Bibliothèque. Vous voyez si depuis deux mois je suis dans les épreuves !

Hélas ! j’en ai subi de toute sorte. (Un mot !) Un homme que je regardais comme mon ami intime vient de se montrer envers moi du plus plat égoïsme[1]. Cette trahison m’a fait souffrir. Les coupes d’amertume ne sont pas ménagées à votre vieil ami. Et je lis des choses stupides ou plutôt stupidifiantes : les brochures religieuses de Mgr de Ségur, les élucubrations du Père Huguet, jésuite, Baguenault de Puchesse, etc., et cet excellent M. Nicolas qui prend Wolfenbüttel pour un homme (à cause des fragments de Wolfenbüttel), et par conséquent il tonne contre Wolfenbüttel ! La religion moderne est quelque chose d’ineffable, décidément, et Parfait, dans son Arsenal de la dévotion, n’a fait qu’effleurer la matière. Dans le manuel, les Pieuses domestiques, que dites-vous de ce titre de chapitre : De la modestie pendant les grandes chaleurs ? Puis conseil aux bonnes de ne pas se mettre en service chez les comédiens, les aubergistes et les marchands de gravures obscènes ! Ça, ce sont des fleurs, et les imbéciles déclament contre Voltaire qui est un spiritualiste ! et contre Renan qui est un chrétien. Ô bêtise ! ô infini !

J’aurai du mal dans mon chapitre ixe, la Religion, à garder l’équilibre. Mes pieuses lectures rendraient impie un saint.

  1. Malentendu créé entre Edmond Laporte et Flaubert.