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CORRESPONDANCE

1843. À MADAME RÉGNIER.
[Croisset, 16 avril 1879.]
Ma chère Confrère,

Primo : Félicitations au double bachelier, ou plutôt à ses père et mère. C’est une belle épine tirée du talon et je comprends votre joie, moi qui étais né avec toutes les vertus domestiques. Mais la littérature m’a empêché de donner carrière à mes vertus comme à mes vices.

Il faut pourtant que je lâche la bride à mon indignation (jolie phrase). On m’a envoyé ce matin le premier numéro de la Vie Moderne. Elle me paraît encore plus infecte que la Vie Parisienne du chemisier Marcellin ! Comme doctrines, langage et réclames (jusqu’à la petite fantaisie du docteur Lambert), c’est complet ! Et moi qui ai eu la bêtise de leur laisser mettre mon nom sur la couverture !

Est-ce que les funérailles de Villemessant ne vous font pas rêver ? Embaumement comme pour un pharaon, messe dite par un évêque, la gare transformée en chapelle ardente, « retour des cendres » à Paris, et demain discours, panache, musique et foule immense, j’en suis sûr. Il jouissait « d’une immense publicité ». Inclinons-nous. Moi, je ne me suis jamais incliné. Je n’ai pas plié le genou devant cette institution.

Et Pinard, mon ennemi Pinard, l’auteur des couplets obscènes trouvés dans le prie-Dieu de Mme Gras, Pinard qui a inventé Gambetta (pour