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CORRESPONDANCE

1804. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Croisset [mi-février 1879].

Aujourd’hui je me suis levé pour la première fois ; il m’est impossible de me servir de béquilles. Je déambule le genou sur une chaise et, avec tous mes attributs autour de mon fauteuil, je me fais l’effet de Scarron.

Comme à vous, la bottine en dextrine m’a été intolérable. On l’a fendue et j’ai la jambe dans une gouttière, suivant la méthode classique. Ma fracture n’est rien, mais les désordres de l’articulation ont été fort graves. Si le sang ne s’était résorbé, j’aurais maintenant la jambe coupée ou je serais crevé. Je me suis livré à ces deux hypothèses pendant quarante-huit heures avec une tranquillité d’âme parfaite, je vous assure. Je mens un peu : la première m’embêtait.

Le changement de président m’a été extrêmement agréable. C’est plein de grandeur, « quoi qu’on dise », un événement considérable et tout nouveau dans l’histoire de France. Et puis enfin, nous sommes délivrés de MM. les militaires, lesquels se connaissent à tout, sauf à faire la guerre. La nomination de Grévy, c’est un poncif de moins. Donc je me réjouis.

Ce qui a fait tomber Bardoux, c’est lui-même. Il s’était déconsidéré à force de promettre sans tenir, et puis Waddington avait besoin de sa place.

Ce que vous me dites de Plessy, relativement au Père Hyacinthe, me divertit infiniment. Je