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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Monsieur commence à ne plus dormir, bien que tous les jours je m’astreigne à une demi-heure de promenade. N’importe ! le physique et le moral sont bons.

Ah ! ma chère Caro, ma chère fille, j’en ai gros sur le cœur pourtant ! et je voudrais bien me soulager !

Je satisfais mon besoin de tendresse en appelant Julie après mon dîner, et je regarde sa vieille robe à damiers noirs qu’a portée maman. Alors je songe à la bonne femme, jusqu’à ce que les larmes me montent à la gorge. Voilà mes plaisirs. Ma vie est rude, franchement.

La tienne n’est pas douce non plus, pauvre chérie ! Mais tu es jeune, toi, par conséquent plus forte. Je te remercie bien de ta gentille lettre de ce matin. Elle m’a un peu desserré le cœur. La vente se fera-t-elle lundi ? J’en doute. Ce sera encore remis à plus tard ! Et en attendant, comment vivre ?

Au milieu de ces tristesses, je continue ma métaphysique, Kant, Hegel, Leibnitz. Ce n’est pas drôle, et j’en suis accablé. Hier j’ai travaillé quatorze heures. Je suis solide, apparemment…

Ce matin, la pluie a de nouveau traversé le plafond de la chambre de ton mari. Le pauvre Corneille, sur le chevalet au milieu, commençait à recevoir de l’eau, quand Suzanne est entrée par hasard. Nous l’avons sauvé, et je vois qu’il n’y paraîtra pas. J’ai eu une belle peur.

Encombrée comme tu l’es dans notre logement, comment vas-tu faire pour peindre ?

J’ai reçu une lettre de Toudouze charmante, oui charmante. Les amis de Paris s’ennuient de