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CORRESPONDANCE

1741. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Croisset, mardi soir [9 juillet 1878].

Bien que le mois de mai prochain soit loin du présent, je pense à lui, puisqu’alors je dois vous voir. À la fin de celui-ci j’espère être à moitié de mon abominable bouquin. En de certains jours je me sens broyé par la pesanteur de cette masse et je continue cependant, une fatigue chassant l’autre. C’est de la conception même du livre que je doute. Il n’est plus temps d’y réfléchir ; tant pis ! N’importe ! je me demande souvent pourquoi passer tant d’années là-dessus et si je n’aurais pas mieux fait d’écrire autre chose. Mais je me réponds que je n’étais pas libre de choisir, ce qui est vrai. Enfin mon acharnement à ce travail rentre tout à fait dans ce que le docteur Trélat appelle « la folie lucide ».

Vous me parlez de ***, qui ne vous semble pas forte. C’est tellement mon opinion que je ne vais plus la voir. À quoi bon ? À mon âge on ne doit plus rien faire d’inutile, pas plus que lire des « nouveautés ». Aussi ai-je abandonné dès la vingtième page le roman de mon ami Claudin[1]. Comment avoir la force physique d’écrire des choses pareilles ? Quel style ! Oh ! là là ! Et puis mes yeux commencent à se fatiguer et j’en abuse plus que jamais.

J’ignore Marius Topin et le roman de Richepin mêmement. Quant à l’abbé Michon (que j’ai

  1. Les Caprices de Diomède.