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CORRESPONDANCE

À mon retour de Chenonceaux, je me suis présenté chez vous. Vous étiez absente. Je voulais y retourner le lendemain, mais j’étais tellement trempé par la pluie (bien que j’eusse été toute la journée en voiture) que j’ai craint de souiller votre demeure et me suis abstenu.

Je vous suppose maintenant à Saint-Gratien et ayant repris votre vie d’été. Avec qui êtes-vous ? Quels sont vos compagnons ? Comment va Giraud ? Il était malade dans ces derniers temps.

Bien que je fusse spécialement invité au Centenaire de Voltaire, je me suis abstenu d’assister à cette « petite fête de famille », à cause des gens avec lesquels je me serais trouvé. N’importe. Les cléricaux ont eu l’avantage de l’emporter comme bêtise et ridicule. L’alliance des duchesses et des poissardes, des grandes dames et des grosses dames (les unes connaissant Voltaire aussi bien que les autres), me semble extrêmement drôle ; mais c’est de l’histoire ancienne.

Au reste, je ne sais rien de ce qui se passe maintenant, car je ne vois personne et je vis complètement seul. Ma nièce est à Chinon, puis elle ira à Plombières. Jusqu’à la fin de juillet, je n’aurai pour compagnie que moi-même et mon toutou. Je profite de cette solitude pour travailler violemment et avancer mon lourd et interminable bouquin.

L’attentat contre Guillaume me stupéfie. Pourquoi tuer un homme de quatre-vingts ans ? On va profiter de l’occasion pour sévir contre la Presse. Ceci ne servira absolument à rien. Ainsi va le monde.

C’est aujourd’hui que le sort de Taine se dé-