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CORRESPONDANCE

compter le reste. Mettez une moyenne de deux volumes par jour. Tout cela pour le passage que je vais faire, lequel dépend d’une division de mon chapitre, qui pourrait s’intituler : « De la critique historique », laquelle division n’aura pas plus de dix pages. J’espère dans six semaines avoir fini mon quatrième chapitre, après quoi je n’en aurai plus que six ! En de certains jours, je me sens écrasé, puis je rebondis.

Un vent de distractions culinaires a soufflé sur la capitale. Tout le monde se plaint de dîner en ville. J’ai beau inventer des blagues formidables pour me soustraire à ce dérangement, je le subis et j’en enrage. Aussi pour avoir plus de temps à moi, il m’a fallu (momentanément) lâcher des amis. Je n’ai été qu’une fois chez le père Hugo et je ne fais de visite à aucune dame ; ma chevalerie française est vaincue par la littérature. Par rusticité et égoïsme (économie d’heures), je n’ai point assisté aux funérailles de la pauvre mère Guyon. Voilà bientôt trois ans que je n’ai vu Sylvanire. Lors de ma dernière visite, je l’ai trouvée engouée de Cuvillier-Fleury, lequel est un joli coco. Je viens de lire (pas plus tard qu’aujourd’hui) ses « Portraits révolutionnaires » ; ça ressemble à du Sarcey prétentieux. Quel bon sens ! et quelle élégance !

Gambetta (puisque vous me demandez mon opinion sur ledit sieur) m’a paru, au premier abord, grotesque, puis raisonnable, puis agréable et finalement charmant (le mot n’est pas trop fort) ; nous avons causé seul à seul pendant vingt minutes et nous nous connaissons comme si nous nous étions vus cent fois. Ce qui me plaît en lui,