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CORRESPONDANCE

qui vous concerne personnellement, j’en suis ravi, car la première chose des cléricaux (l’histoire est là pour nous renseigner) eût été une proscription en masse, où vous auriez pu être comprise. Ils sont si bêtes et si lâches, que j’en tremblais d’avance.

Depuis que j’ai quitté le cher Saint-Gratien, où j’ai passé les trois meilleurs jours de mon année, j’ai travaillé comme un enragé à ma comédie politique qui sera finie, je l’espère, dans un petit mois.

Donc vers le milieu de décembre je serai revenu à Paris, et vous reverrai plus souvent. Il me tarde d’être sorti de l’art dramatique. Ce travail fiévreux et pressé me tord les nerfs comme des cordes à violon ; j’ai peur, par moments, que l’instrument n’éclate.

Quand je suis parti de Paris, l’Opéra achevait de brûler et le pauvre Feydeau se mourait. Je n’ai pas été (bien qu’aient dit les feuilles) à son enterrement, parce que je suis rassasié de funérailles. Ma présence n’eût fait de plaisir à personne, et je suis resté chez moi. Cet ami-là est le moins regrettable de tous ceux que j’ai perdus depuis quatre ans. Mais enfin il avait été mon ami ! Je l’avais connu très intelligent, très agréable et propre ; et puis, c’est encore un de moins ! Rien n’est bête comme ce genre de réflexions à la Prud’homme, et je vous en demande pardon.

D’où vient, cependant, qu’on ne peut pas s’empêcher de le faire ? D’ailleurs, s’il fallait dire toujours des choses spirituelles, on ne dirait rien ou presque rien.

Quand retournez-vous à Paris ? Bientôt sans