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CORRESPONDANCE

foqué, étouffé, comme si une montagne d’ordures me fût tombée sur la bouche. Je ne croyais pas qu’on pût être immoral à ce point-là ! Il n’y a pas, en histoire, de plus grand crime, et c’est un crime sans grandeur ! Pauvre Troppmann ! tu avais au moins une excuse, toi ! Si tu as assassiné des enfants, c’est que tu venais de voyager avec eux pendant toute une journée et peut-être que leur bruit dans le wagon t’avait agacé les nerfs. Mais lui, l’homme de Metz, quel coquin et quel imbécile ! Il y a là un monsieur qui est bien joli, le sieur Régnier[1].

Que dites-vous de Villemessant allant chercher son Roy ? n’est-ce pas gigantesque ?

Ce n’est pas pour le roi que j’ai été à Paris, mais pour Carvalho, qui n’a rien de royal. Ledit sieur, après six mois de réflexion, voulait me faire fondre en un acte l’acte second et l’acte troisième du Sexe faible. Je l’ai envoyé promener carrément, et il a fini par m’avouer « que j’avais raison ». Le fond de l’histoire est qu’il désire jouer d’abord le Candidat, mais le Candidat n’est pas prêt et, si l’Oncle Sam expire avant sa terminaison, il jouera le Sexe faible. En travaillant bien, je pense avoir terminé le Candidat au jour de l’an. Donc, je vais dialoguer encore pendant deux grands mois, le mieux et le plus vite possible. Après quoi je reviendrai aux choses sérieuses. Le style théâtral me fait l’effet d’eau de Seltz : c’est agréable au commencement, puis cela agace.

  1. Mystérieux aventurier, employé par Bismarck à tromper Bazaine, et que celui-ci reçut aux avant-postes de Metz le 23 septembre 1870. — Le procès Bazaine, ouvert le 6 octobre 1873 à Versailles, se prolongea jusqu’au 13 décembre.