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DE GUSTAVE FLAUBERT.

vous pas plus souvent, puisque vous y reprenez vie ? En cherchant bien, on pourrait peut-être reconstituer une petite société d’émigrés qui serait agréable. Car nous sommes tous des émigrés, les restes d’un autre temps. Je ne dis pas cela pour moi qui suis un vrai fossile, « une pièce de cabinet », comme écrivait mon compatriote Saint-Amant.


1406. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, dimanche [5 octobre 1873].

Mon Moscove m’a quitté ce matin, parce qu’il faut qu’il soit ce soir au dîner des Viardot où il doit y avoir (mystère) un fiancé !

Tu l’as tout à fait séduit, mon loulou ! car à plusieurs reprises il m’a parlé de « mon adorable nièce », de « ma charmante nièce », « ravissante femme », etc., etc. Enfin le Moscove t’adore ! ce qui me fait bien plaisir, car c’est un homme exquis. Tu ne t’imagines pas ce qu’il sait ! Il m’a répété, par cœur, des morceaux des tragédies de Voltaire, et de Luce de Lancival ! Il connaît, je crois, toutes les littératures jusque dans leurs bas-fonds ! Et si modeste avec tout cela ! si bonhomme, si vache ! Depuis que je lui ai écrit qu’il était une « poire molle », on ne l’appelle plus que « Poire molle » chez les Viardot ! Nouvel exemple de mon génie, pour inventer des surnoms. Je l’ai mené vendredi à Jumièges ! Mais tout le reste du temps, nous n’avons pas arrêté de parler, et fran-