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CORRESPONDANCE

sur les plates-bandes de M. Roger, car j’étudie le jardinage et l’agriculture, théoriquement, bien entendu.

En fait de nouvelles, je n’en sais aucune. J’ai eu pendant six semaines une grippe formidable, attrapée à la première des Érinnyes, où j’ai revu Leconte de Lisle. En le revoyant, j’ai repensé à la rue de Sèvres[1]. Le passé me dévore, c’est un signe de vieillesse.

Ma vie se passe à lire et à prendre des notes. Voilà à peu près tout. Le dimanche je reçois assez régulièrement la visite de Tourgueneff, et dans une quinzaine j’irai en faire une à Mme Sand qui est une excellente femme, mais trop angélique, trop bénisseuse. À force d’être pour la Grâce on oublie la Justice. Remarquez-vous qu’elle est oubliée si bien, cette pauvre Justice, qu’on ne dit même plus son nom ?

À propos de justice, j’ai payé dernièrement au sieur Lévy trois mille francs de ma poche pour Dernières Chansons, et le dit enfant de Jacob vient d’être décoré !

Dieu des Juifs, tu l’emportes !

Vous allez trouver cela bien puéril, mais je me suis désorné de l’étoile. Je ne porte plus la croix d’honneur et j’ai prié un de nos amis communs de m’inviter à dîner avec Jules Simon, afin d’engueuler Son Excellence à ce propos, et c’est ce qui se fera. Je tiens surtout les paroles que je me donne.

Dans votre dernier billet, vous me parlez de Paris avec un certain regret ; pourquoi n’y venez-

  1. Louise Colet habitait rue de Sèvres.