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CORRESPONDANCE

1385. À GEORGE SAND.
[Croisset], dimanche [20 juillet 1873].

Je ne suis pas comme M. de Vigny, je n’aime point « le son du cor au fond des bois ». Voilà deux heures qu’un imbécile, posté dans l’île en face de moi, m’assassine avec son instrument. Ce misérable-là me gâte le soleil et me prive du plaisir de goûter l’été. Car il fait maintenant un temps splendide, mais j’éclate de colère. Je voudrais bien, cependant, causer avec vous un petit peu, chère maître.

Et d’abord, salut à votre septantaine, qui me paraît plus robuste que la vingtaine de bien d’autres ! Quel tempérament d’Hercule vous avez ! Se baigner dans une rivière glacée, c’est là une preuve de force qui m’épate, et la marque d’un « fonds de santé » rassurante pour vos amis. Vivez longtemps ! Soignez-vous pour vos chères petites-filles, pour le bon Maurice, pour moi aussi, pour tout le monde, et j’ajouterais : pour la littérature, si je n’avais peur de vos dédains superbes.

Allons, bon, encore le cor de chasse ! C’est du délire. J’ai envie d’aller chercher le garde champêtre.

Moi, je ne les partage pas, vos dédains, et j’ignore absolument, comme vous le dites, « le plaisir de ne rien faire ». Dès que je ne tiens plus un livre ou que je ne rêve pas d’en écrire un, il me prend un ennui à crier. La vie ne me semble tolérable que si on l’escamote. Ou bien, il faudrait se