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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1612. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, mercredi [4 octobre 1876].
Princesse,

Le mauvais temps paraît se calmer : depuis deux jours on se croirait en été. Faut-il garder l’espérance de vous avoir un peu dans le pauvre Croisset ? maintenant ? ou quand vous déménagerez de Saint-Gratien ?

J’ai lu par hasard un fragment de L’Assommoir, paru dans la République des Lettres et je suis tout à fait de votre avis. Je trouve cela ignoble, absolument. Faire vrai ne me paraît pas être la première condition de l’art. Viser au beau est le principal, et l’atteindre si l’on peut. Puisque mes deux petites histoires vous ont plu, j’en médite une troisième à laquelle je souhaite le même succès. Pour aller plus vite en besogne, je resterai ici très tard cet hiver, jusqu’au jour de l’an sans doute. Ainsi je serai bien longtemps sans vous voir, hélas !

Avez-vous entendu parler d’un livre qui a pour titre L’Arsenal de la Dévotion par Paul Parfait ? Si vous voulez savoir jusqu’à quel point la bêtise humaine peut aller, lisez-le ! C’est vertigineux ; je crois qu’il vous fera rire, à moins que le dégoût ne soit trop fort.

Je songe à vous souvent, ma chère Princesse, et aux bons moments que j’ai passés près de vous, il y a un mois. Croyez à ma vieille affection et permettez-moi de vous baiser les deux mains, car je suis entièrement vôtre.