Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 7.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
344
CORRESPONDANCE

1606. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, vendredi matin, 8 septembre 1876.
Mon pauvre Loulou,

Tu ne m’as pas l’air de t’amuser extrêmement à Croisset.

Tu me dis que, sans moi, « c’est la maison des morts ». Rien de plus vrai ; mais les morts sont plus agréables que les trois quarts des vivants. Les souvenirs de cette nature sont pleins de douceur, quand on a passé par les grandes amertumes.

Dans une huitaine de jours je ne serai pas loin d’aller te rejoindre, et j’espère que nous passerons ensemble quelques bonnes semaines. Ton pauvre vieux s’en réjouit d’avance. Si le mauvais temps continue, la première de Daudet aura lieu du 15 au 18 courant, ce qui fait que je ne serais pas obligé de revenir à Paris. La collaboration de Belot aura, je crois, été nuisible à Daudet. Ils ont fait un dénouement imbécile par peur du public, par lâcheté.

J’ai vu hier les Charpentier, retour de Bretagne, et ce matin mon élève Guy qui se porte mieux ; mais la santé de sa mère l’inquiète. Aujourd’hui et demain je passerai mon après-midi à la bibliothèque, pour y lire et feuilleter différents bouquins relatifs à saint Jean-Baptiste.

Comprends-tu jusqu’à quel point je suis beau ? Hier j’ai fait une longue visite à Maury[1] et à Ganneau[2].

  1. Maury, directeur des Archives nationales, professeur d’histoire au Collège de France, auteur de différents ouvrages d’archéologie.
  2. Clermont-Ganneau, l’orientaliste.