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CORRESPONDANCE

1377. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Croisset, mercredi [18 Juin 1873].

Il me semble que c’est moi qui vous dois une lettre, chère Madame. Nous n’en sommes pas, Dieu merci, à y regarder de si près, n’est-ce pas ? N’importe ! je crois n’avoir pas répondu à votre dernière et il m’ennuie de ne pas entendre parler de vous. C’est vous dire que j’espère très prochainement recevoir une épître démesurée.

Depuis mon retour, j’ai travaillé d’une façon tellement gigantesque que j’ai écrit la valeur d’à peu près trois actes, et le Sexe faible est complètement terminé. J’attends Carvalho pour lui en faire la lecture dans quatre ou cinq jours. Si ses prévisions se réalisaient, ce serait drôle. Entre nous, je n’attache pas une grande importance à cette œuvre. Je la juge « convenable », mais rien de plus, et je ne souhaite son succès que pour deux raisons : 1o gagner quelques mille francs ; 2o contrarier plusieurs imbéciles.

Ce qui serait gentil (si la chose doit réussir) ce serait que vous fussiez-là, à la première. Depuis que j’en ai fini avec les exercices théâtraux, j’ai recalé la fin de Saint Antoine et je me suis remis à mes immenses lectures pour mon roman. Je lis maintenant l’esthétique du sieur Lévesque, professeur au Collège de France. Quel crétin ! Brave homme du reste, et plein des meilleures intentions. Mais qu’ils sont drôles, les universitaires, du moment qu’ils se mêlent de l’Art !

Je viens d’expédier immédiatement l’Antechrist