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DE GUSTAVE FLAUBERT.

À propos de ce dernier, je me suis fâché tout rouge contre lui, après un article sur Renan paru le 16 de ce mois dans la République des Lettres. L’article n’est pas dudit Catulle. N’importe, il n’aurait pas dû l’insérer, tant il est plein de grossièretés, d’attaques à la personne. Je lui ai écrit pour lui dire d’avoir : 1o  à rayer mon nom de la liste de ses collaborateurs et 2o  de ne plus m’envoyer sa feuille. Depuis deux mois c’est le seul épisode de mon existence. Vous voyez qu’elle est peu dramatique, Dieu merci ! Et je travaille comme un frénétique. Pourquoi ? je n’en sais rien ! Mais vraiment j’ai le diable dans le corps. Je ne me couche plus qu’au soleil levant et je gueule dans le silence du cabinet à me casser la poitrine, laquelle ne s’en trouve que mieux. Ma seule distraction (et mon seul exercice) est, tous les jours, avant mon dîner, de m’allonger sur la brasse dans les ondes de la Séquane. Ma nièce et son mari sont aux Pyrénées. Personne ne vient me voir et je ne m’en plains nullement. Au contraire.

Mon second conte, Histoire d’un Cœur simple, sera fini dans quinze jours ou trois semaines. L’idée de vous le lire m’a encouragé pendant tout le temps de mon travail. Vous êtes un si bon auditeur ! Vous n’imaginez pas le bien profond que m’ont fait vos yeux pendant que vous écoutiez Saint Julien. La voilà la vraie gloire !

Cette fois-ci, on ne dira plus que je suis inhumain. Loin de là, je passerai pour un homme sensible et on aura une plus belle idée de mon caractère.

Depuis un mois, j’ai sur ma table un perroquet empaillé, afin de « peindre » d’après la nature.