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DE GUSTAVE FLAUBERT.

avance-t-il ? C’est bête comme tout ce que je vais vous dire, mais j’ai envie de voir ça imprimé en russe ! Sans compter qu’une traduction faite par vous « chatouille de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse », seule ressemblance que j’aie avec Agamemnon.

Quand vous êtes parti de Paris, vous n’aviez pas lu le nouveau bouquin de Renan. Il me paraît charmant. « Charmant » est le mot propre. Êtes-vous de mon avis ? Du reste, depuis quinze jours, j’ignore absolument ce qui se passe dans le monde, n’ayant pas lu une seule fois le moindre journal. Fromentin m’a envoyé son livre sur « les maîtres d’autrefois ». Comme je connais fort peu la peinture hollandaise, il manque pour moi de l’intérêt qu’il aura pour vous. C’est ingénieux, mais trop long, trop long ! Taine me paraît exercer une grande influence sur ledit Fromentin. Ah ! J’oubliais ! Le poète Mallarmé (l’auteur du Faune) m’a cadeauté d’un livre qu’il édite : Vatek, conte oriental écrit, à la fin du siècle dernier, en langue française, par un anglais. C’est drôle.

J’entre en rêverie (et en désirs) quand je songe que cette feuille de papier va aller chez vous dans votre maison, que je ne connaîtrai jamais ! et je me dépite de n’avoir pas de votre entourage une idée nette.

Si vous avez chaud là-bas, ici il ne fait pas froid. Toute ma journée se passe les jalousies closes, dans la compagnie exclusive de moi-même. Aux heures des repas, j’ai pour me distraire la vue de mon fidèle Émile et de mon lévrier.

Ma nièce, à qui je transmettrai votre bon sou-