Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 7.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
DE GUSTAVE FLAUBERT.

m’a pas semblé long. Arrivé à Rouen, afin d’éviter la vue des boulevards et celle de l’Hôtel-Dieu, j’ai fait prendre à mon fiacre la rue Jeanne-d’Arc.

Émile m’attendait. Avant de défaire mes cantines, il a été me tirer une cruche de cidre que j’ai entièrement vuidée, à sa grande terreur, car il me répétait : « Mais monsieur va se faire mal. » Elle ne m’a point fait de mal.

Au dîner j’ai revu avec plaisir la soupière d’argent et le vieux saucier. Le silence qui m’entourait me semblait doux et bienfaisant. Tout en mangeant, je regardais tes bergeries au-dessus des portes, ta petite chaise d’enfant, et je songeais à notre pauvre vieille, mais sans peine ou plutôt avec douceur. Je n’ai jamais eu de rentrée moins pénible.

Puis j’ai rangé ma table. Je me suis couché à minuit ; j’ai dormi jusqu’à 9 heures. Ce matin j’ai fait un tour dans le jardin, et j’ai causé avec Chevalier[1] qui m’a fait des récits pittoresques des inondations, et je vais me remettre tout à l’heure à mon Histoire d’un Cœur simple.

J’ai fait mettre un des bancs de Pissy dans le Mercure dont la haie est refaite à neuf. Enfin, pauvre chat, il me semble que tout est comme autrefois, et je ne pense nullement à l’exécrable on…

La première fois que j’irai à Rouen, j’irai voir Mlle Julie. Mais elle m’embarrasse, ou plutôt j’ai peur qu’elle ne m’embarrasse, car elle est encore malade, et Émile témoigne une grande répugnance à la soigner. Il paraît qu’Achille a été la voir très souvent cet hiver. Quelle conduite dois-je tenir ?

  1. Le jardinier de Croisset.