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CORRESPONDANCE

1551. À SA NIÈCE CAROLINE.
Concarneau, samedi 3 heures [25 septembre 1875].

Sera-ce aujourd’hui que je vais avoir une lettre de ma pauvre fille ?

J’ai beau regarder les poissons du vivier, puis la mer, et me promener et me baigner tous les jours, la préoccupation de l’avenir ne me quitte pas. Quel cauchemar. Ah ! ton pauvre mari n’était pas né pour faire mon bonheur. Mais n’en parlons plus : à quoi bon ? Je t’assure que je suis bien raisonnable. J’ai même essayé de commencer quelque chose de court, car j’ai écrit (en trois jours) ! Une demi-page du plan de la Légende de Saint Julien l’Hospitalier. Si tu veux la connaître, prends l’Essai sur la peinture sur verre, de Langlois[1]. Enfin je me calme, à la surface du moins ; mais le fond reste bien noir.

Je mène une petite vie douce et abrutissante. Coucher avant 10 heures, lever vers 8 ou 9. Je ne fais rien du tout, et mon oisiveté ne me pèse plus. J’arrive souvent à ne plus songer à rien. Ce sont les meilleurs moments.

  1. E.-H. Langlois : Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre… et sur les vitraux les plus remarquables… (Rouen, 1832, in-8o). — On se rappelle la dernière phrase de la Légende de Saint Julien l’Hospitalier : « Et voilà l’histoire de Saint Julien l’Hospitalier, telle, à peu près, qu’on la trouve sur un vitrail d’église, dans mon pays ». Le vitrail est dans la cathédrale de Rouen, à gauche du chœur, entre le transept gauche et le fond de l’abside. L’ouvrage de Langlois donne le détail de cette verrière et son dessin, d’après deux planches gravées par Mlle Espérance Langlois. (Note de René Descharmes, édition Santandréa).