J’écrirai à Ernest un de ces jours. Ne le décourage pas, le pauvre garçon ! Car il n’a pas d’autre conduite à tenir que de remonter son établissement. Plus tu m’écriras souvent, plus tu me feras plaisir.
Adieu, mon pauvre Caro. Je t’embrasse bien tendrement.
Ton vieux.
Ta lettre de dimanche m’arrive, mon Caro : tu vois quel temps il nous faut pour correspondre. Comme je tremble ! Je suis obligé de m’arrêter à chaque lettre : c’est le résultat de mes petites émotions.
Depuis samedi, j’ai attendu anxieusement le télégramme promis par Ernest et, si je n’avais pas eu ta lettre de tout à l’heure, je t’en aurais envoyé un. J’ai beau faire de grands efforts pour ne pas songer à l’avenir, cela m’est impossible. Je me demande sans cesse : « Comment vivrons-nous ? puisque tous nos revenus, et au delà, sont engagés ? » Cette préoccupation me ronge comme un cancer. Tu me dis de ne pas songer au passé. À quoi veux-tu que je songe ? À l’avenir ! Il est si triste qu’il m’épouvante !
Relativement, cependant, je me sens beaucoup mieux. Je n’ai plus d’étouffements et les accès de larmes sont plus rares ; je dors et mange bien. Mes compagnons (qui sont fort aimables) prétendent que j’ai déjà engraissé. Tous les jours, je