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CORRESPONDANCE

J’écrirai à Ernest un de ces jours. Ne le décourage pas, le pauvre garçon ! Car il n’a pas d’autre conduite à tenir que de remonter son établissement. Plus tu m’écriras souvent, plus tu me feras plaisir.

Adieu, mon pauvre Caro. Je t’embrasse bien tendrement.

Ton vieux.


1550. À SA NIÈCE CAROLINE.
Concarneau, mardi 4 heures [21 septembre 1875].

Ta lettre de dimanche m’arrive, mon Caro : tu vois quel temps il nous faut pour correspondre. Comme je tremble ! Je suis obligé de m’arrêter à chaque lettre : c’est le résultat de mes petites émotions.

Depuis samedi, j’ai attendu anxieusement le télégramme promis par Ernest et, si je n’avais pas eu ta lettre de tout à l’heure, je t’en aurais envoyé un. J’ai beau faire de grands efforts pour ne pas songer à l’avenir, cela m’est impossible. Je me demande sans cesse : « Comment vivrons-nous ? puisque tous nos revenus, et au delà, sont engagés ? » Cette préoccupation me ronge comme un cancer. Tu me dis de ne pas songer au passé. À quoi veux-tu que je songe ? À l’avenir ! Il est si triste qu’il m’épouvante !

Relativement, cependant, je me sens beaucoup mieux. Je n’ai plus d’étouffements et les accès de larmes sont plus rares ; je dors et mange bien. Mes compagnons (qui sont fort aimables) prétendent que j’ai déjà engraissé. Tous les jours, je