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DE GUSTAVE FLAUBERT.

entreprend peut être idiot, n’importe ! écrivons-le ! La fin de Candide : « Cultivons notre jardin » est la plus grande leçon de morale qui existe. Je ne comprends pas que vous passiez votre temps à pêcher et à chasser. Soyez sûr que ce sont des occupations funestes. La « distraction » ne distrait pas — pas plus que les excitants n’excitent. J’ai beau être névropathe, au fond je suis un sage. Or je vous conjure, je vous supplie, de vous remettre à la besogne bravement, sans tourner la tête derrière vous.

Le Rigi, où je me suis embêté à périr, m’a fait du bien. Mes étouffements ont diminué et je monte les escaliers comme un jeune homme. À mon retour ici, au mois d’août, j’ai enfin commencé mon roman, lequel va me demander trois ou quatre ans (c’est toujours ça de bon). J’ai cru d’abord que je ne pouvais plus écrire une ligne. Le début a été dur. Mais enfin, j’y suis, ça marche ou du moins ça va mieux.

Le Sexe faible passera après la pièce de Zola (à la fin de décembre ?). Tout le monde trouve que je me déshonore en figurant sur un bouisbouis aussi piètre que le théâtre de Cluny, mais je m’en bats l’œil complètement.

Je vous recommande comme spectacle d’aller dans le vestibule de Nadar, à côté de Old England. Vous y verrez : 1o  la photographie d’Alex[andre] Dumas, grandeur nature ; et 2o  le buste du même Dumas. Ce qui prouve que la modestie est inséparable du vrai mérite. De plus, il va faire une préface à Manon Lescaut et une préface à Paul et Virginie. Voilà de ces choses qui consolent. D’ailleurs, on ne doit pas se plaindre d’une époque